3 questions à Jean-Michel Evequoz, chef de cuisine à la Clinique Bernoise Montana
Quels défis la préparation des repas pour les patients dysphagiques présente-t-elle pour l’équipe de cuisine de la clinique ?
Ce qu’il faut rappeler pour commencer, c’est que les personnes atteintes de dysphagie ne sont – de loin – pas les seules séjournant dans notre établissement qui nécessitent une adaptation de leurs repas. Parmi les fiches décrivant les habitudes alimentaires des patients, près d’un cinquième contiennent des besoins particuliers, que ce soit en lien avec une allergie, une intolérance, une thérapie alimentaire spécifique, etc. Jongler avec des menus différents, c’est notre spécialité! Cela dit, dans le cas spécifique des personnes avec des troubles de la déglutition, le défi vient d’une part du fait qu’il est extrêmement important de les aider à conserver ou à retrouver le plaisir de manger, ce alors même que le contenu de leur assiette – ou de leur bol – a un aspect et/ou une consistance inhabituelle. D’où l’intérêt de se montrer créatif, notamment en utilisant des moules pour reconstituer visuellement le plat. D’autre part, nous devons nous adapter aux recommandations des logopédistes et diététiciennes, basées sur une classification comportant pas moins de 7 niveaux: 3 niveaux différents de liquides et 4 niveaux «solides», allant du «mixé» au «normal facile à mastiquer», en passant par le niveau «finement haché et lubrifié» et par le niveau «petits morceaux tendres».
Lorsque vous avez rejoint l’établissement il y a plus de sept ans, disposiez-vous d’une formation spécifiquement axée sur les besoins alimentaires en milieu hospitalier ?
Pas du tout. Je suis cuisinier de formation et ai passé la majeure partie ma vie professionnelle à enseigner dans une école hôtelière. Honnêtement, lorsque je suis arrivé à la Bernoise, je ne savais pas ce que voulais dire «dysphagie». Mais si j’ai opté pour ce poste, c’est justement parce que j’aime les défis. J’ai appris sur le tas, en m’informant, en discutant avec les différents spécialistes et thérapeutes concernés, et surtout en passant des heures à expérimenter derrière les fourneaux. Rapidement, mon équipe et moi avons introduit de nouveaux texturants, qui nous ont permis d’améliorer à la fois la consistance, la saveur et la qualité nutritionnelle des plats reconstitués. Cette démarche a beaucoup inspiré d’autres établissements de soins confrontés aux troubles de la déglutition. Une de mes collègues leur donne d’ailleurs des cours à ce sujet. A force de travail, nous avons acquis une réelle expertise dans le domaine. Au point qu’il nous est désormais possible d’improviser un menu adapté si un patient atteint de dysphagie arrive à la clinique sans préavis.
Jean-Michel Evequoz est chef de cuisine à la Clinique Bernoise Montana. Avant de rejoindre l’établissement en 2017, il a enseigné durant plus de 20 ans l’art de la cuisine aux étudiants de l’école internationale de gestion hôtelière Les Roches, à Bluche (VS).
Des nouveautés relatives aux repas des personnes atteintes de troubles de la déglutition seront- elles introduites dans le cadre de la rénovation de la Bernoise, qui démarre en 2025 ?
La grande nouveauté – dont je me réjouis énormément – concerne une liaison froide sur les étages, qui remplacera la cuisine chaude actuelle. A l’image des menus normaux, ceux destinés aux patients avec des besoins alimentaires spéciaux sont préparés la veille. Le lendemain, ils sont régénérés en cuisine puis apportés à l’étage dans un contenant permettant de maintenir la chaleur. S’ils ne sont pas mangés de suite, ils perdent logiquement en goût et en qualité. Après les travaux de rénovation, chaque étage disposera d’une installation permettant d’effectuer la régénération sur place, à la minute. Cela permettra une réelle amélioration qualitative et gustative des plats proposés.
Photos: Carolina Piasecki, blende.ch