Une vie entière au service des patients

Voilà maintenant un peu plus de deux mois que le Dr. Claude Vaney a définitivement quitté notre clinique pour une retraite bien méritée. Avant son départ, nous lui avons posé quelques questions sur sa longue carrière de médecin-chef Neurologie et son engagement permanent pour les patients atteints d’affection neurologique. Un bel hommage que nous vous proposons de découvrir ici.

Dr Vaney, vous avez dévoué votre carrière à la neurologie. Pourquoi avoir choisi cette spécialité ?

Au fond, le fait que je sois devenu neurologue est un peu le fruit du hasard : En 1986, quand le professeur Mumenthaler m’a envoyé comme chef de clinique à Montana, je pensais plutôt devenir interniste où psychosomaticien. Mais comme je me suis beaucoup plus à Montana et qu’on on a mis au concours la place de médecin-chef du service neurologie, j’ai tenté ma chance…coup de bol: j’ai été nommé comme « jeune gamin de 36 ans » médecin-chef ! Pendant la rénovation de la clinique en 1988/89, j’ai donc terminé ma formation de neurologue à Bern et à Vancouver pour débuter janvier 1990 ma carrière de médecin-chef avec le titre de neurologue FMH en poche.

Vous avez travaillé de longues années à Montana avant de partir, puis de revenir en fin de carrière. Pourquoi avoir choisi Montana ?

Les 27 ans que j’ai passé comme médecin-chef de la clinique bernoise à tisser des liens émotionnels forts avec cette institution ont fait que j’y ai finalement consacré les 3/4 de ma vie professionnelle… Et quand fin 2021 le président du conseil de fondation de la clinique m’a demandé de venir redonner un coup de main à la bernoise, j’ai saisi cette occasion pour pouvoir terminer ma carrière professionnelle dans un lieu qui m’était cher.

De manière générale, comment a évolué la neurologie depuis vos débuts ?

Cette question doit être répondue de 2 façons :
Si on regarde la neurologie en général, on assiste comme d’ailleurs aussi dans le domaine de la médecine interne à une spécialisation de plus en plus marquée. Chaque « symptôme » a maintenant son spécialiste et il est difficile de trouver des neurologues un peu « Allrounder » comme je l’étais quand j’ai fini ma formation dans les années 80… Je m’explique: il y a maintenant des spécialistes pour la sclérose en plaques, pour le Parkinson, pour les maladies musculaires, pour les maladies dégénératives etc.

En ce qui concerne la clinique bernoise, là au contraire on s’est diversifiée: Quand je suis arrivé en 1986, la grande majorité des patients que nous accueillions souffraient de sclérose en plaques et il y avait très peu de malades avec d’autres diagnostics neurologiques ; aujourd’hui, la situation a complètement changé et nous avons une majorité de personnes qui viennent à la clinique après des attaques cérébrales et – avec la venue du docteur André Zacharia – des personnes atteintes de Parkinson. Les personnes souffrant de sclérose en plaques sont devenues minoritaires, mais naturellement elles sont toujours encore les bienvenues à la clinique bernoise!

Un souvenir en particulier vous a-t-il marqué durant votre carrière ?

Il m’est difficile de revenir sur un souvenir particulier. je vois trois aspects :
D’une part la possibilité que nous avons lors de la survenue d’une attaque cérébrale de proposer aux malades en urgence une lyse pour liquéfier le caillou qui bouche l’artère. Cela a permis à beaucoup de patients de se voir offrir une réduction de taille de l’infarctus cérébral et par conséquent aussi de la sévérité du déficit neurologique; je pense que c’est la une avancée majeure.

Pour ce qui est de la sclérose en plaques: il y a 40 ans on avait au fond rien à offrir à ces personnes; aujourd’hui, nous avons un large éventail de médicaments qui ne guérissent toutefois pas la maladie, mais qui permettent de freiner son évolution et par ce biais aussi d’améliorer la qualité de vie des patients.

Enfin, je ne pourrai pas passer sous silence « mon dada », c’est-à-dire l’utilisation thérapeutique du chanvre. Lorsque j’ai demandé en 1997 une autorisation spéciale pour utiliser du chanvre pour calmer les spasmes d’un de mes patients avec une sclérose en plaques, l’office fédéral de la santé publique m’a dit qu’il n’y avait pas de bases scientifiques pour utiliser cette plante pour cette indication-là! Aujourd’hui, 25 ans plus tard, n’importe quel patient souffrant de sclérose en plaques peut aller chercher un spray contenant des extraits de chanvre pour calmer ses spasmes avec une simple ordonnance pour stupéfiants. Je suis fier et heureux de voir qu’une étude faite à la clinique bernoise a contribué à la re-médicalisation de cette plante connue depuis longtemps pour ses propriétés thérapeutiques.

Si je vous donnais une baguette magique, que changeriez-vous dans le monde de la réadaptation neurologique ?

Quand la peau est lésée, elle se cicatrise, quand les muqueuses sont brûlées elles se régénèrent! Malheureusement, les cellules de notre système nerveux sont uniques et n’ont pas la capacité de se régénérer et c’est pour ça que, souvent, la récupération neurologique après à un AVC reste incomplète. Remplacer les cellules mortes par de nouvelles cellules fraîches par un coup de baguette magique serait donc mon rêve…

Et pour la suite, quels sont vos projets ?

En quittant la clinique définitivement le 15 décembre 2022, il y a eu un mélange de tristesse, mais aussi de soulagement. En tout cas, je suis heureux de pouvoir déposer définitivement mon habit de médecin! Par contre, je continuerai à m’occuper indirectement du bien des malades en tant que vice-président de la société suisse de sclérose en plaques et comme président de la société de cannabis en médecine (SSCM) que j’ai fondé.

Et ce qui me réjouit naturellement le plus, c’est d’avoir beaucoup de temps pour m’occuper des bientôt quatre petits-enfants de ma femme Rita !